De l'importance de bien s'aimer

De l’importance de bien s’aimer

Ce billet n’était pas à l’ordre du jour dans mon planning éditorial. Et pourtant, j’écris ces mots parce qu’ils s’imposent à moi. De l’importance de bien s’aimer. Ou la nécessité de se libérer d’une norme du corps établie et qui nous nuit. Ou l’envie de vous dire combien – et comment – j’ai pu souffrir de mon reflet dans la glace et à quel point apprendre à bien s’aimer est l’apprentissage d’une vie – ou du moins, en partie.

Ce matin, je me suis réveillée et comme bien souvent, avant même de me lever du pied droit, j’ai désactivé le « mode avion » de mon téléphone. En quelques instants, les images et les titres du jour se mettent à défiler. Sur l’un de mes fils d’actualités, un post retient mon attention et je m’éveille totalement au fur à mesure que je lis ces lignes rédigées avec l’âme, par une femme des plus inspirantes.

C’est une femme que j’ai eu la chance de rencontrer il y a deux ans, dans le cadre de ma formation au conseil en image. S’il est un mot qui me vient à l’esprit pour la définir, c’est « énergie » – positive, vitale, lumineuse. Il est ainsi des personnes que nous croisons le temps de quelques heures au cours de quelques semaines, et qui nous marquent sur le long terme. Et nous inspirent. En lisant ses mots, je me sens touchée au cœur et je me souviens de cette jeune fille que j’ai été, moi aussi. Mal dans mon corps.

La difficulté de bien s’aimer.

Ses mots disent la difficulté de bien s’aimer. Soi. Son corps. Ses mots livrent des sentiments que j’ai ressentis et que bien d’autres ressentent encore. Ce corps que l’on malmène. Que l’on déconsidère et dont on se détache peu à peu, parce que cela semble plus simple ainsi. Ses mots parlent du long chemin à parcourir pour renouer avec soi et se réapproprier une image positive de son corps. Des mots si plein d’espoir parce qu’à force de vivre et d’apprendre, arrive un jour le déclic – telle une évidence – qu’il est grand temps de bien s’aimer.

Si ces mots m’ont interpellés et que je les ai lus avec émotion, c’est parce qu’ils me parlent. Comme ils parlent à tant d’autres filles et de femmes. Et d’hommes. Ma première envie a été d’écrire. Rédiger une partie de mon vécu. Et puis, le doute. Peut-être est-ce trop « intime » pour être publié ici ?

Mais je crois aux signes de l’univers et voici que je « tombe » sur l’actualité d’une autre jeune femme que je suis également sur les réseaux sociaux, tout aussi inspirante dans les domaines qui sont les siens – le sport et une créativité débordante. L’actualité en question est un article dans lequel elle revient sur sa boulimie et plus encore, comment elle s’en est sortie. Et pour la deuxième fois de cette journée, de sentir poindre en moi l’émotion et le besoin d’écrire sur ce corps que l’on malmène. Encore et encore.

De l'importance de bien s'aimer
Photo by Sabel Blanco

Mon corps : je t’aime, moi non plus.

C’est ainsi que je résumerais la relation que j’entretiens avec mon corps. Je l’aime, mais lui non plus. Il m’aime, mais moi non plus. Ou quelque chose dans cet esprit-là. Quelque chose de difficilement qualifiable ou de quantifiable. Une relation ambigüe, en somme. Qui dépend des jours. Et pourtant, j’en ai parcouru du chemin.

Adolescente, j’ai perdu le contrôle. Si tant est que je l’avais avant cela. Quoiqu’il en soit, il est un moment dans ma vie où les choses ont dérapé et que j’ai grossi. Autour de moi, personne ne semblait le voir. En tout cas, personne ne me disait rien. Moi-même, je ne crois pas avoir eu conscience, à ce moment-là, que ce n’était pas normal. Mais je n’ai pas grossi par hasard. J’ai grossi parce que je mangeais trop. Pour combler un vide. Parce que ça n’allait pas très bien entre mes parents. Ou peut-être juste parce que c’est l’adolescence qui veut ça. Aujourd’hui encore, je ne saurais dire quelle a été la cause exacte de tout cela. C’est arrivé. Point.

On ne m’a jamais mise dans la case « boulimique » parce que je ne me suis jamais fait vomir et qu’à ce moment-là, je n’agissais pas avec l’intention de contrôler mon poids. Juste, je mangeais. Trop. Dans mes souvenirs, cette période n’a pas duré longtemps. Juste quelques mois. Juste assez de temps pour que l’on mette cela sur le dos d’une dépression et que je sois mise sous anti-dépresseurs. Je ne juge pas les médecins que j’ai vus à cette époque, ou encore le fait que mes parents aient cru bon que je prenne ce traitement. C’est arrivé. Point. Et j’ai perdu douze kilos. En deux mois.

Je n’ai pas fait de régime. J’ai simplement recommencé à manger « normalement ». Et c’est également à cette époque-ci que je me suis mise à courir. Avec les copines. Et c’était top ! Je revivais. J’ai donc très rapidement arrêté les médicaments. Le « problème » aurait donc pu être résolu si je n’avais développé au fil des jours et des kilos en moins, une phobie d’être grosse à nouveau. N’ayant jamais été considérée comme étant en surpoids d’un point de vue médical, j’étais donc plus mince que jamais. 54 kg pour 1m72.

Obsession.

Cette obsession de ne pas regrossir a quant à elle duré des années. Je peux même dire que ce n’est que depuis récemment que je n’ai plus cette peur viscérale de prendre du poids. Des années au cours desquelles j’ai composé entre les angoisses liées à ma scolarité – parfaite, soit dit en passant – et la mise en œuvre de stratégies pour éviter de « trop » manger. Le tout était de garder la face. J’y suis d’ailleurs si bien parvenue que je crois que personne – mis à part mon entourage proche – n’a jamais rien su de mon mal-être. J’étais juste un peu distante – et hautaine, comme je l’ai entendu dire. J’aurais plutôt dit « mystérieuse ». Mais bon.

M’affamer ne m’a jamais empêchée d’être bonne élève, ni même de m’adonner aux séances de sport quotidiennes que je « m’imposais » alors. Je n’ai là encore jamais été rangée dans la case « anorexique » car mon IMC (indice de masse corporelle) est toujours resté à la limite de la norme. Lorsque j’ai recommencé à voir des médecins, on m’a dit que j’étais « anorexique mentale » car je ne mangeais qu’une petite liste d’aliments que je jugeais alors « sans risque » pour ma ligne. Je mangeais un peu. Mais pas assez. Et surtout, pas assez varié.

Il y a donc un moment où le corps dit « non ». Où il décide de vous lâcher. C’est arrivé peu à peu, au travers d’une succession de symptômes typiques : une sensation de froid permanente – ou comment j’ai réquisitionné toutes les couvertures de la maison lors d’un séjour en Guadeloupe ! – une aménorrhée qui a duré plusieurs années et enfin, une perte de cheveux qui a été le déclic. Le point de non-retour. Le choc. La prise de conscience que j’allais mal.

J’ai perdu mes beaux cheveux en l’espace que quelques semaines. Sans rien pouvoir y faire. Juste constater les dégâts. J’ai vu quantité de médecins, de psys et de magnétiseurs. Mais le mal était fait. J’ai même promis que si l’on me rendait mes cheveux, je recommencerais à manger « normalement ». Mais ça n’a évidemment pas marché. J’ai mis des semaines et des mois à accepter d’avoir perdu l’un de mes attributs les plus chers. Et pourtant, je l’avais critiqué cette tignasse indomptable. Plus que jamais, elle me manquait.

Et puis, je ne sais pas comment ni grâce à quoi, la vie a continué – avec des hauts et des bas. Mais j’ai peu à peu accepté de diversifier mon alimentation. C’était difficile car j’avais toujours cette peur maladive de redevenir « grosse ». Le sport était ma bouffée d’oxygène. Ma soupape de décompression et mon « assurance minceur ». La course à pieds et un peu plus tard, le yoga. Le temps a passé et j’ai continué mon petit bonhomme de chemin. Parfois apaisée et heureuse, parfois au bord du gouffre.

De l'importance de bien s'aimer
Photo by Brooke Cagle

Faire la paix.

Je ne sais pas à quel moment  j’ai commencé à faire la paix avec mon corps. Mais il me semble que de me sentir aimée m’a aidé. J’avais un peu moins peur de mes formes puisque qu’il m’aimait. Puisqu’il les aimait. Et puis, quand on est amoureuse, on a faim de vivre et j’ai redécouvert que manger était un plaisir. Les sorties au restaurant, les repas du week-end partagés à deux… ces moments qui m’ont permis de lâcher prise et de renouer avec certains aliments que je n’avais plus mangés depuis des années.

J’aime être mince. Mais je n’en fais plus une obsession. Et surtout, je n’en fais plus dépendre mon alimentation. Je n’ai jamais autant mangé de ma vie. Et je n’irais pas jusqu’à dire que je n’ai jamais été aussi mince, parce que ce n’est pas vrai. Mais j’ai trouvé le juste équilibre à mon bien-être. Mon corps d’aujourd’hui est certainement le corps que j’aurais détesté avoir il y a quelques années. Et cela témoigne d’autant plus du chemin parcouru.

Il a fallu apprendre à se regarder pour de vrai. Appréhender les formes et les creux. Se réapproprier ce qui au fond, est à moi depuis toujours. Mon corps. Il m’a fallu faire preuve de bienveillance envers moi-même. Parce que la bienveillance est fondamentale. Elle apaise et déculpabilise. Et surtout, elle autorise à être. Parce qu’aimer son corps, c’est s’autoriser à être celle ou celui que nous sommes – corps et âme. L’importance de bien s’aimer c’est l’importance de prendre soin de soi pour prendre soin de l’autre. On ne peut en effet aimer vraiment sans s’aimer – au moins un peu.

Poser des mots sur ces maux.

J’écris ce billet d’une traite sans me relire. Je risquerais de me censurer, de ne pas oser ou même d’avoir honte. Parce que ces lignes touchent à mon intimité, mais qu’elles peuvent aussi résonner en nombre d’entre vous. J’écris pour moi parce que jamais encore je n’avais posé des mots sur ces maux. J’écris pour vous parce qu’il est bon de ne pas se sentir « un cas à part » et plus encore, de prendre conscience que la solution est en chacun de nous.

Chaque jour – et moi la première, nous sommes confrontés à l’image d’un corps qui se veut parfait. Lisse et plat. Ennuyeux ? Peut-être bien puisque même le marketing semble lassé de ces stéréotypes vus et revus – inatteignables. Je constate en effet qu’il est de plus en plus de marques qui désormais affichent des corps vrais dans leurs campagnes. Si le mouvement « body positive » semble s’être essoufflé, il laisse dans son sillage une bienveillance bien plus large et universelle. Ainsi, la norme s’estompe et la minceur égale les rondeurs, les couleurs de peaux se mêlent et l’harmonie qui en émane semble enfin être authentique, à l’image de la diversité des corps.

C’est ainsi que le corps tend à se dévoiler au naturel, sans autre revendication que d’être un corps réel. Les langues se délient et les témoignages affluent. Le rapport au corps est certes complexe, mais en rien un tabou. Regardez autour de vous. Lisez et vous comprendrez que vous n’êtes pas seul(e)s à douter de votre normalité. Plus encore, regardez-vous, contemplez-vous et complimentez-vous. Parce que vous êtes et c’est déjà beaucoup ! Aimez-vous. C’est important. Et ça fait du bien.

Photo de couverture: Kari Shea

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